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La clause de non-concurrence avec la loi Macron

 

I – Ce qui change

I.- Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1 du Code de Commerce, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.

II.- Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L 341-1. 

 

Deux innovations :

  • La limite aux locaux exploités ;
  • Le caractère indispensable à la protection d’un savoir-faire spécifique.

 

La plupart des commentateurs en ont conclu qu’il s’agissait de la reprise des règles européennes et de la jurisprudence.

C’est en réalité plus nuancé.

Les lignes directrices du règlement d’exemption du 20 avril 2010 prévoient une clause indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur. L’article 1er du règlement décrit le savoir-faire comme un « ensemble secret, substantiel et identifié… »

Avec la loi Macron, on ne parle plus d’identification mais d’un savoir-faire spécifique. Les débats parlementaires n’expliquent pas le recours à ce mot « spécifique » qui était cité il y a des décennies dans la jurisprudence.

Pourtant, la base de notre droit de la franchise, les règlements d’exemption et leurs lignes directrices n’ont jamais repris ce mot.

La traduction du latin est « qui appartient à l’espèce ».

Mais lorsqu’il utilisait naguère le mot « spécifique » à outrance, le juge noyait la notion dans l’originalité qui était alors exigée. L’internet n’était pas encore là, il était difficile d’être copié. Malgré cela, la notion de spécificité était relative, voire subjective. La jurisprudence tenait compte de la compétence initiale du franchisé.

  • La cour de Colmar (09/06/1982) notait que le franchisé avait eu recours au système franchisé pour éviter de poursuivre des recherches et des expériences personnelles et pour acquérir « un savoir-faire dont il ignorait tout ». Cette démarche soulignait à elle seule « la spécificité et l’originalité des techniques et services dont la connaissance était recherchée.
  • Pour la cour de Montpellier (04/01/1990), la spécificité pouvait être liée à « une collection de produits ou de services offerts d’une manière originale et spécifique ».
  • Pour la cour de Dijon 10/10/1990 : « l’originalité en matière de franchise peut consister dans la conjonction de divers éléments connus séparément si le franchisé se voit proposer des procédés qu’il ne pouvait découvrir lui-même qu’au prix de recherches longues et coûteuses. »

 

Les anciens juges étaient sensibles aux déclarations faites par le franchisé au départ, exprimant le désir de bénéficier de l’expérience et des avantages offerts par le franchiseur (CA Lyon 31 janvier 2008 – RG 06/00187).

 

Les décisions plus récentes occultent pour la plupart le terme spécificité. Les rares fois où il est utilisé, c’est pour compléter un jugement où la juridiction a constaté de sérieuses carences :

 

  • CA Colmar, 19 juillet 2011, n° 09/00837, concernant un concept d’agence immobilière. La cour annule un contrat de franchise en constatant l’absence d’un « savoir-faire spécifique». La cour note que les informations transmises au franchisé étaient générales et publiques.

 

  • CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 7 octobre 2015, n°13/09827 : La mutualisation des moyens de formation au sein du réseau Guy Hoquet ne démontre pas l’absence de savoir-faire spécifique pour la franchise Entreprises et Commerces.

 

Ces décisions sont à rapprocher de la décision notoire de la Cour de cassation du 16 septembre 2014 (13-18.710) qui notait qu’eu égard à la généralité du commerce alimentaire de proximité concerné et à la nature du savoir-faire transféré de faible technicité, spécificité et originalité, il n’était pas établi que les obligations de non-affiliation soient indispensables à la protection du savoir-faire transféré.

 

Elles sont à rapprocher aussi de la jurisprudence Droit du travail qui est très similaire pour la clause de non-concurrence.

 

L’internet a tué l’originalité et la spécificité, à tout le moins dans la durée. C’est la raison pour laquelle ces décisions restent exceptionnelles, la spécificité doit rester une notion relative. Il convient pour le franchiseur de prévoir, le cas échéant, la mention du sentiment de spécificité ressenti par le candidat à la franchise.

 

 

II – Quelle stratégie ?

 

Le juge a besoin d’être rassuré. Il ne faut pas que des déclarations abruptes de reconnaissance de spécificité viennent polluer le contrat.

 

Le franchisé doit être parfaitement éclairé et donner en corollaire toutes ses motivations pour intégrer un réseau. S’il s’avère que dans ses motivations, il existe une préférence du concept choisi pour ses spécificités, la clause sera très facilement validée. Et il est vrai que des candidats à la franchise se sentent mieux dans certains réseaux plutôt que dans d’autres en raison des spécificités qu’ils y constatent.

 

La loi Macron devient l’une des premières lois françaises concernant principalement la franchise. Elle assimile les clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles. Elle est plus exigeante pour la validation d’une clause restrictive de concurrence puisqu’elle impose un savoir-faire spécifique. Toutefois, en corollaire, elle légitime la clause de non-concurrence, étant rappelé que bien des franchiseurs limitaient leurs exigences à une simple interdiction d’adhérer à un groupement concurrent.